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Retour11 décembre 2012
Un monument à la mémoire des pionniers du Québec

©Le Terrebonnien et artiste plasticien Marc Lincourt lors du vernissage de son œuvre «La Grande Vague ou la mémoire de l’eau salée» au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. (Photo : Robert Wagenhoffer)
MARC LINCOURT EXPOSE À BAIE-SAINT-PAUL
«La Grande Vague ou la mémoire de l’eau salée» déferle actuellement au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. L’œuvre monumentale de 2 mètres sur 10, créée par le natif de Terrebonne et artiste plasticien Marc Lincourt, a été rapatriée au Québec à la suite de sa tournée française amorcée en 2008. Baie-Saint-Paul accueille, jusqu’au 10 février, les 400 livres scellés que forment autant de noms de familles souches du Québec.
«L’œuvre a été réclamée à Baie-Saint-Paul puisqu’il y réside plusieurs familles souches, a expliqué M. Lincourt lors d’une entrevue intimiste accordée dans un café du Vieux-Terrebonne. Et nous étions à la recherche de lieux évocateurs où exposer.» Ce monument «à la mémoire des pionniers du Québec» se veut rassembleur et témoigne du riche patrimoine culturel qui remonte à l’époque de la Nouvelle-France. «L’œuvre parle si tu écoutes, les noms sont porteurs de mémoire», résume son auteur. Et l’exposition évolue au rythme des régions où elle s’expose.
«Chaque lieu a sa personnalité, l’exposition n’est jamais la même, c’est étonnant», poursuit Marc Lincourt.
La vague déferlante se compose de 400 objets, des livres scellés qui, par superposition des lettres, forment les noms de 400 familles pionnières qui ont pris la direction de la Nouvelle-France 400 ans plus tôt en quittant Brouage, Honfleur et Tourouvre. Ces villes françaises ont par ailleurs tour à tour accueilli la tournée, en 2008, de «La Grande Vague ou la mémoire de l’eau salée». L’œuvre – tout en livres – a été posée sur un lit de sel, évocation de l’Atlantique, traversée en bateau qu’ont entreprise les premiers colons. «Tout est symbolique», estime Marc Lincourt, qui rappelle que Brouage représente un haut lieu du sel à la valeur économique inestimable à l’époque, alors qu’il était appelé «or blanc».
«Nous sommes nés du sel, a imagé Marc Lincourt, et le bateau dans l’océan représente la gestation. Le golfe et le fleuve Saint-Laurent symbolisent l’utérus qui mène jusqu’à la ville de Québec. Dans un grand cri, il y a l’accouchement – un parallèle à la naissance d’un pays, le nôtre.» À force de côtoyer géologues, géographes et historiens, Marc Lincourt découvre peu à peu des éléments qui sommeillent dans «La Grande Vague ou la mémoire de l’eau salée». L’œuvre continue ainsi à évoluer dans le regard, la perception de chacun. «L’histoire d’un peuple est écrite dans son nom de famille – il y a tellement de mémoires dans un nom. Dans les 400, on retrouve une histoire complète», philosophe l’artiste qui se plaît à découvrir l’étymologie des noms de famille.
«Terrebonne grandit en moi»
Depuis plus de 12 ans, l’homme féru de voyages vit à l’étranger. «Plus je m’éloigne, plus Terrebonne est présente en moi, je la porte tout le temps avec moi, mais je n’y reviendrais pas. Terrebonne grandit en moi.» De fait, lorsqu’il voyage en lieux inconnus, il attribue aux gens qu’il croise les noms de Terrebonniens qu’il a connus. «Tout à coup, Terrebonne se reconstruit autour de moi et je peux y vivre, raconte-t-il. Lorsque je change de ville, je reconstitue mon village.» Les noms, encore une fois, s’avèrent un outil de prédilection pour l’artiste Marc Lincourt.
Son intérêt pour l’origine des mots, des choses, des gens, il le qualifie de «maladie». Les 400 noms qui figurent dans son œuvre – dont la liste par ordre alphabétique a été exposée tout près – détiennent le pouvoir de rejoindre plus de 3,5 millions d’individus. «Avec la diaspora québécoise, l’œuvre peut rejoindre plus de 20 millions de familles qui ne vivent plus au Québec», ajoute-t-il. Le Centre de la Francophonie des Amériques voit d’ailleurs «La Grande Vague ou la mémoire de l’eau salée» comme un outil pour l’éveil de la francophonie, un instrument d’éducation et d’émerveillement collectif.
«Nous avons immédiatement vu en "La Grande Vague" une occasion de nous rappeler l’importance de ce mouvement migratoire qui a amené nos ancêtres et qui nous aide à comprendre la présence et la diversité des communautés francophones toujours présentes en Amérique» a souligné Denis Desgagné, président-directeur général du Centre de la Francophonie des Amériques. L’œuvre de Marc Lincourt s’acheminera vers Montréal en 2017 afin de célébrer le 375e anniversaire de la ville avant d’entamer ensuite sa tournée nord-américaine.
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