05 mars 2013
Sculpter comme le faisaient nos ancêtres

©Le Terrebonnien Giovanni Filippelli entouré de ses statues et de sa famille : Daniele, Rosie, Davide et Mafalda Filippelli. (Photo : Véronick Talbot)
Entrer dans l’atelier de Giovanni Filippelli est une incursion dans un monde parallèle. Dispersés aux quatre coins de la bâtisse, des personnages de plâtre et de bois évoquent une autre époque. Dans le fond de l’atelier, des sacs de plâtre et des moules rappellent un métier né il y a des siècles, mais aujourd’hui quasi oublié. Le Terrebonnien est d’ailleurs le dernier fabricant de statues religieuses actif au Québec, et fort probablement au pays.
C’est au début des années 60 que Giovanni Filippelli a lancé son commerce. L’atelier avait alors pignon sur la rue Sherbrooke à Montréal et les affaires allaient bien. Si l’homme s’était d’abord spécialisé dans la fabrication de statues religieuses, il a tôt fait de diversifier son offre et de donner dans les statues de toutes sortes. «Quand le film des 101 dalmatiens est sorti au cinéma, il y avait de nos statues de chiens en vente dans tous les magasins. C’était une belle époque», se souvient le Terrebonnien avec beaucoup de nostalgie.
Au milieu des années 80, M. Filippelli avait 15 employés à sa charge. Mais évidemment, le désintérêt de la société à l’égard de la religion de même que la mondialisation ont transformé le marché. Si bien qu’aujourd’hui, le sculpteur n’a qu’un seul employé. «Ce n’est plus pareil. La concurrence de la Chine nous affecte beaucoup. Pourtant, nos prix sont à peine 15 % plus élevés que les produits chinois et ils sont de bien meilleure qualité. Ce sont des produits faits au Québec à partir de plâtre naturel», insiste l’homme de 75 ans.
10 000 statues par année
Malgré tout, les commandes continuent d’entrer – en moins grande quantité, mais suffisamment pour occuper le sculpteur. Sur une base annuelle, M. Filippelli fabrique et fournit environ 10 000 statues religieuses de tous formats, variant de 4 pouces à 6 pieds de hauteur. Et chacune d’entre elles est fabriquée à même son atelier de Terrebonne. «Nous mettons le plâtre dans les moules, nous les nettoyons, nous mettons le tout au four pendant trois jours, nous peinturons les sculptures et nous les décorons.» Même les moules sont fabriqués dans la bâtisse. «Nous avons plus de 1 000 moules.»
Parmi les personnages les plus demandés, notons le frère André, Jésus, Marie, saint Joseph, la Sainte Famille et des représentations de l’Immaculée Conception. «La méthode de travail est la même qu’il y a 51 ans, lorsque j’ai ouvert mon commerce. Tout est fait à la main, de façon traditionnelle.» M. Filippelli fait aussi beaucoup de restauration de statues. Lorsqu’il visite des églises, il lui arrive même d’offrir ses services gratuitement. «C’est la passion», explique-t-il.
Fournir les sanctuaires et les cimetières
Aujourd’hui, ses principaux clients demeurent les églises, les sanctuaires et les cimetières, de même que les magasins religieux tels que l’Oratoire Saint-Joseph et Sainte-Anne-de-Beaupré. Et malgré ses 75 ans, M. Filippelli s’occupe encore des relations avec ses clients et des commandes. Dans quelques jours, il prendra d’ailleurs le chemin du Cap-de-la-Madeleine pour le boulot. «Je vais toujours faire ça. J’ai voulu prendre ma retraite, mais j’en ai été incapable. Et je crois qu’il y aura toujours de la demande pour ce que je fais», pense celui qui vend aussi des colonnes et statues artisanales.
Il espère que sa fille, qui connaît l’entreprise depuis toujours, prendra la relève. «Lorsque j’avais 10 ans, j’adorais me rendre à l’atelier de mon père pour peinturer et faire de la décoration. Et ça n’a pas changé : j’aime toujours autant l’art. Je ne dis donc pas non à l’idée de mon père», souligne la fille du sculpteur, Rosie, lorsque questionnée par le journal La Revue.
Chose certaine, cette aventure née il y a de cela 51 ans à Montréal est une véritable histoire de famille. Et surtout, une grande histoire de passion.
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