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25 février 2014

Un Brin d'histoire

©Troc entre Français et Amérindiens. (Collection du Musée McCord, Montréal)

L’affaire Banchaud

Les premières décennies entourant la fondation de Ville-Marie (Montréal) sont marquées par un long et pénible conflit armé qui opposa les Français et les cinq nations iroquoises qu’étaient les Agniers (Mohawks), les Onneyouts, les Onnontagués, les Goyogouins et les Tsonnontouans. L’arrivée de contingents militaires français, en 1665, contribue à «pacifier» les Iroquois.

 

Le crime de l’entre-deux-guerres

Néanmoins, cette première guerre franco-iroquoise laissa des «marques» culturelles auprès de nos ancêtres, car elle conditionna sévèrement la vie des premiers colons de la Nouvelle-France, entre 1641 et 1667. À cet effet, la culture québécoise a pratiquement toujours présenté les Iroquois comme un peuple féroce et sanguinaire, voire hostile! Alors, il n’est pas surprenant que notre histoire soit «teintée» de récits comme celui-ci.

Notre histoire se déroule à l’hiver 1668-1669. Un beau jour, six Onneyouts (nation iroquoise habitant au sud-est du lac Ontario) étaient de passage dans la région et avaient dressé leur «cabanage» sur les bords de la rivière Mascouche, près de l’embouchure de la rivière des Mille Îles. Ce petit groupe d’Onneyouts  était composé de trois hommes, d’une femme et de ses deux enfants, dont le plus âgé pouvait avoir 18 ou 20 ans et le plus jeune, 7 ou 8 ans. Selon leurs coutumes, les Onneyouts se déplaçaient en petits groupes en suivant le gibier. Comme le secteur est maintenant fréquenté par les Français, notamment ceux de Ville-Marie, les Amérindiens ont l’habitude de voir des Blancs dans les environs.

Un bon jour, quatre colons qui avaient établi leurs quartiers de chasse dans le secteur décident de rendre visite aux Onneyouts. Le traité de paix signé en 1667 avec les nations iroquoises permettait d’établir à nouveau le «dialogue» entre les deux peuples. Au cours de la visite, les colons remarquèrent que les Onneyouts possédaient une cinquantaine de peaux d’orignaux et quelques peaux de castors. La valeur marchande de ces peaux fit l’objet de leur convoitise.

Un soir, nos quatre colons retournent dans la cabane des Iroquois, s’asseyent avec eux et prennent part à leur repas. Au cours de la soirée, ils firent boire aux Iroquois une quantité appréciable d’eau de vie (boisson alcoolisée). Dans son livre «Mascouche en 1910», L.-A.-F. Crépeau a une façon bien à lui de décrire cet événement, en voici un extrait : «Peu habitués à cette liqueur (eau de vie), dont ils sont très friands, mais qu’ils ne peuvent supporter, ces trois sauvages et la femme sont bientôt plongés dans l’ivresse et s’endorment du plus profond sommeil. À ce moment les quatre colons bondissent sur eux et les assomment sans pitié. Dans leur férocité, ils n’épargnent même pas la femme ni les enfants. Alors, ils font main basse sur les fourrures objet de leur convoitise, les emportent et les cachent dans la cave de leur maison».

Réalisant du coup que leur crime était passible de terribles châtiments, nos colons décident de faire disparaître les corps des Onneyouts, lesquels étaient couverts de sang et «défigurés par l’ivresse et les spasmes de l’agonie». Ainsi, les quatre assassins placent les corps dans un canot au-dessus duquel ils fixent des traverses de bois pour y retenir les corps, puis ils conduisent le canot non loin de là dans des rapides (aujourd’hui le site de l’Île-des-Moulins), où ils coulent à fond l’embarcation sous le poids du tronc d’un vieil arbre, couché dans l’eau et immobilisé à cet endroit.

Le procès

Malheureusement pour eux, les corps sont découverts quelques jours après le crime. Comme il y avait peu de personnes qui «rodent» dans ce secteur, les suspects furent assez vite identifiés.

Le 5 juillet 1669, le sieur deLa Salleporte plainte contre les quatre assassins, Banchaud et ses trois complices. Quatre jours plus tard, les autorités procèdent à l’inventaire des effets d’Étienne Banchaud; la preuve était confirmée puisque l’on trouva 26 de ces peaux dans la cave de la maison de Banchaud. Le 12 juillet, l’ordre est donné d’aller prendre possession des habits et des fourrures volés aux «malheureux Onneyouts» afin de les mettre en lieu sûr. Le même jour, Nicolas Maurice émit un témoignage contenant des révélations contre Banchaud et ses compagnons. Il n’en fallait pas plus pour que le lendemain, l’on donnât l’ordre d’arrestation et d’emprisonnement. Le 28 juillet suivant, les autorités invitent tous ceux qui peuvent être endettés envers Banchaud d’en faire la déclaration au greffier de Montréal, puisque la cour ordonna la vente des effets appartenant à l’accusé. Les 8 et 12 août suivant, la cour examine de nouveau les témoins de cette cause.

Le 14 septembre 1669, Charles-Joseph d’Ailleboust des Muceaux, juge civil et criminel de Montréal, rend son verdict et condamne Étienne Banchaud et ses trois complices à la potence, châtiment réservé aux criminels en Nouvelle-France. Faut-il ici rappeler que la justice coloniale traitait les délits envers les Amérindiens de la même façon que s’il s’agissait de citoyens français? Le taux de criminalité était très faible à l’époque, mais la justice ne laissait rien passer et les peines étaient sévères.

Dans un document daté du 25 mai 1672, le juge d’Ailleboust déclare que le procès qui les a condamnés à mort a été fait par contumace, c’est-à-dire que les accusés ont refusé de comparaître. D’Ailleboust mentionne également que les accusés se sont enfuis! L’histoire ne nous dit pas ce qu’il advient par la suite de Banchaud; est-il retourné en France? C’est possible! Avait-il des complices dans cette évasion? La justice était-elle moins insistante à retrouver des assassins d’Amérindiens?… Tout cela demeure sans réponse.

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Source : L.-A.-Ferdinand Crépeau (1910). «Mascouche en 1910». Édition privée.

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