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Retour23 octobre 2018
Annie Deschesnes se met à nu... sur papier
©Annie Deschesnes a toujours aimé briser des tabous, ce qu’elle fait en publiant son livre Nue, dans lequel elle nous raconte, en toute franchise, son parcours dans le mystérieux monde de la danse érotique. (Photo : Jean-Marc Gilbert)
Ça ne devait durer que quelques mois, le temps d’accumuler un montant appréciable pour lancer son entreprise en design de sacs à main. Mais danser nue est devenu un métier qu’Annie Deschesnes a aimé pendant neuf ans. Dans son livre Nue, la Terrebonnienne raconte sans tabou cette portion de sa vie payante financièrement, mais déficitaire pour le respect et l’amour de soi.
Dans la jeune vingtaine, elle pouvait travailler jusqu’à 100 heures par semaine pour faire fonctionner son entreprise naissante tout en conjuguant son rôle de mère. «La vie allait trop vite. Je m’en allais vers un burn-out», raconte-t-elle en entrevue.
C’est alors qu’elle a repris contact avec une compagne de classe du cégep qui dansait nue. Après lui avoir posé des dizaines de questions de toutes sortes qui ont eu pour effet de briser les préjugés qu’elle avait envers le métier et celles qui l’exercent, Mme Deschesnes en a discuté avec son conjoint, qui a donné son accord, non pas sans certaines craintes.
Sobre
Elle s’était toutefois fixé des règles strictes et claires : pas ou peu d’alcool, pas de drogue et dégager une grande assurance pour éloigner d’éventuels proxénètes. Graduellement, elle s’est mise à vraiment apprécier son emploi qui lui permettait de faire plusieurs centaines, voire des milliers de dollars à certaines périodes de l’année en seulement quelques heures, tout en ayant plus de temps libre. «J’ai pris beaucoup de plaisir dans tout ça. J’ai réalisé plus tard que j’étais en mal d’amour, mais je me sentais importante dans les yeux de ces hommes (ses clients) l’espace d’un moment», témoigne la Terrebonnienne.
Toutefois, progressivement, la danse devenait un piège. L’argent était au rendez-vous, mais le plaisir avait disparu et Mme Deschesnes a même développé une dépendance au sexe (extras, service d’escorte), une époque qu’elle aborde aussi dans son livre, lequel renferme des passages drôles et d’autres plus difficiles.
Au fil du temps, elle n’appréciait pas ce qu’elle devenait. «L’argent n’était plus un gain, car le mal-être était trop grand.»
Une meilleure thérapeute
Parallèlement à la danse, Annie Deschesnes avait amorcé une formation au Centre de relation d’aide de Montréal. Diplômée depuis 2016, elle est aujourd’hui thérapeute, conférencière et même coach en entreprise.
C’est d’ailleurs lorsqu’elle a reçu son diplôme qu’elle s’est demandé si elle voulait continuer à danser ou se consacrer à ce qu’elle avait étudié pendant trois ans.
Elle a pris sa décision il y a moins d’un an. «Un jour, je suis entrée au club et j’ai eu la sensation de laisser mon âme à la porte. C’est là que j’ai décidé d’arrêter, car je savais que l’étape suivante, c’était celle de la consommation.»
Annie Deschesnes croit que son expérience de vie fait aujourd’hui d’elle une meilleure thérapeute. «Plus rien ne me choque. J’ai une grande capacité d’accueil», dit-elle. Avec son livre et avec son travail actuel, elle accompagne les autres dans la quête du bonheur et espère que son parcours atypique saura en inspirer quelques-uns. Elle croit d’ailleurs que plusieurs pourront se reconnaître dans ce récit, même s’ils n’ont pas connu cet univers; que ce soit un homme alcoolique ou une femme souffrant de dépendance affective, illustre-t-elle.
Le risque de retomber
Pendant ses neuf années comme danseuse érotique, Annie Deschesnes a quitté le métier à quelques reprises, mais revenait toujours en raison de l’argent facile. Comment peut-elle maintenant être sûre d’avoir véritablement tourné la page?
«C’est certain que je me suis posé la question, mais je me suis dotée de mécanismes de protection. J’ai dit à tout mon entourage : “Si jamais vous m’entendez avoir un discours qui peut laisser croire que je vais y retourner, retenez-moi”», lance-t-elle, mi-blagueuse, mi-sérieuse.
Pas plus tard que cet été, elle rapporte avoir été «testée par la vie» alors qu’elle a dû vivre sans rentrée d’argent pendant quelques mois.
«J’ai passé le test haut la main», affirme-t-elle fièrement, se disant sereine après avoir fait son deuil de l’argent facile. Pour cette raison, mais aussi parce qu’elle en ressent la profonde conviction dans son for intérieur, ce métier est bel et bien derrière elle.
Et ce livre, qu’elle a pourtant commencé à écrire alors qu’elle dansait toujours, était en quelque sorte sa «porte de sortie».