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06 avril 2023

Kim Desormeaux - kdesormeaux@medialo.ca

Apprendre à se réapproprier son corps

Exploitation sexuelle

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©Kim Desormeaux - La Revue

Karine Lacourse et celle qui l’a aidée dans son cheminement, France Clément.

Pendant 10 ans, Karine Lacourse a été prise dans cette boucle terrible qu’est celle de l’exploitation sexuelle et de la consommation. À son rythme et avec l’aide d’organismes de la région, elle travaille depuis trois ans à se reconstruire et à prendre le dessus sur ce passé qui est le sien, mais qui ne la définit pas.

« Il faut comprendre que les filles en exploitation sexuelle ne tombent pas du jour au lendemain dans ce milieu. Souvent, on pense à tort que c’est le cas, que quelqu'un nous le propose et qu'on accepte, et que ça commence à partir de cette journée-là, mais c’est plus insidieux que ça. Il faut regarder le passé de ces femmes qui se retrouvent prises dans ce système, pour comprendre ce qui a fait en sorte qu’elles ont plongé là-dedans », mentionne France Clément, coordonnatrice du CALACS La Chrysalide, qui a été l’une des personnes-clés dans le cheminement de Karine.

Un cercle vicieux

Pour Karine, c’est arrivé à un moment de sa vie où elle avait besoin de plus d’argent pour subvenir à ses besoins. L’une des options qui s'est présentée à elle a été « de faire quelques clients » dans un salon de massage. « J’ai commencé comme ça. C’était atroce, je me souviens comment je pleurais juste avant et après. Je ne pouvais pas croire que je faisais ça. Mais je me disais, ça dure juste une heure et ça me rapporte entre 400 $ et 600 $. Donc, je me faisais une carapace pour essayer de ne plus ressentir d’émotions. Je me mettais dans mon personnage, je passais la journée entière à me parler avec mon faux nom, et le moment venu, c’est comme si ce n’était plus mon corps », témoigne Karine. Au début, tu essaies de t’établir des limites, se souvient-elle. « Mais tu te rends rapidement compte que si tu fais telle ou telle chose de plus, la paye est plus grosse. Ce qui est sûr, c’est que je n’étais pas heureuse. Je voulais me sortir de là. J’ai fait des thérapies de désintoxication, j’étais capable de ne pas consommer pendant quelque temps, mais je n’ai jamais été encadrée pour qu’on m’aide quand je tentais de sortir du milieu, donc je rechutais rapidement, et pour arriver à payer, je devais recommencer à faire des clients. » C’était, en fait, un véritable cercle vicieux.

Redevenir Karine

Karine a eu la chance de rencontrer une femme du CLSC qui s’est montrée présente pour elle. Toujours disponible pour l’écouter, elle a su lui tendre la main au moment venu. « Cette femme me répétait que lorsque je serais prête, elle aurait quelqu’un à me référer pour m’aider. Ça a pris du temps, mais elle ne m’a jamais mis de pression, Puis, un jour, je lui ai dit que j’étais rendue là. C’est à ce moment qu’elle m’a donné le contact de France. Pour moi, France, c’était celle qui allait me sauver », se remémore-t-elle.  

Rencontre après rencontre, les deux femmes ont travaillé pour mettre en place un plan d’avenir pour Karine, avec l’aide d’autres organismes de la région, comme le Centre Lanaudière d’emploi pour femmes. « Au fil des rencontres, le défi était de la faire redevenir Karine, explique France. Elle devait redécouvrir qui elle était vraiment. Se réapproprier son corps, aussi. Et réaliser que si son corps avait été monnayable une partie de sa vie, elle avait maintenant envie d’un autre emploi. Lentement, on voulait que le fait de retourner voir des clients lorsqu’il y avait des moments plus difficiles, ça devienne sa dernière option. On n'est pas des sauveuses, on n’a pas de remède miracle pour sortir les filles de ce milieu-là, mais on fait tout pour les accompagner et les aider. »

Une deuxième chance

Aujourd’hui, Karine a repris le contrôle sur sa vie. Elle travaille désormais à titre de SurVivante au CALACS La Chrysalide. « Je me suis dit que la vie m’offrait une deuxième chance et que je ne devais pas manquer le train. Je ne pouvais pas passer à côté de cette opportunité », souligne-t-elle. Maintenant fiancée, elle continue de mener son combat quotidiennement. « On n’est jamais vraiment à l’abri de retomber dans l’exploitation sexuelle, mais j’ai les ressources nécessaires aujourd’hui pour ne pas y retourner, et cette option est maintenant rendue ma dernière », conclut-elle.

Si vous vous reconnaissez dans l’histoire de Karine, n’hésitez pas à aller chercher l’aide nécessaire. Vous pouvez joindre le CALACS au 450 964-7888. De plus, une ligne d’écoute 24 heures sur 24 est aussi offerte au 1 888 933-9007.

Le projet SurVivantes

Dans La Revue du 12 avril, pour faire suite à ce témoignage, nous vous présenterons un texte sur le projet SurVivantes du CALACS La Chrysalide. Cette initiative mise sur pied depuis les deux dernières années a pour but d’aider les autres organismes, les intervenantes du gouvernement et la police à peaufiner leurs techniques pour encadrer les femmes qui vivent de l’exploitation sexuelle et qui viennent chercher de l’aide pour se sortir de ce milieu.

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