FACE À LA « TRUMPÊTE »: Lanaudière International trace la voie d’une exportation plus résiliente

En pleine tourmente commerciale mondiale, les entreprises lanaudoises refusent de se laisser ballotter par les soubresauts de la guerre des tarifs. Alors que les politiques protectionnistes américaines ravivent les tensions, la région mise sur la concertation et la stratégie pour protéger son tissu manufacturier. Ainsi, Lanaudière International, l’ex-SODIL, a réuni en avril plus d’une centaine d’entrepreneurs, experts et acteurs du développement économique sous le thème : « Tarifs et commerce international : anticiper, s’adapter et saisir les opportunités ».

– Par Gilles Bordonado

Cette mobilisation intervient dans un contexte où l’exportation représente 47 % du PIB québécois, soit 159 G$, dont 73 % à destination des États-Unis. De leur côté, 22 % des 1 300 entreprises manufacturières de Lanaudière exportent déjà, surtout aux États-Unis. Nos voisins du Sud reçoivent 83 % des exportations régionales.

Cette dépendance structurelle « expose nos manufacturiers à des chocs répétitifs. Le plus gros problème, au-delà des tarifs, c’est l’incertitude très grande à laquelle ils font face », dira Jacques Fortin, directeur général de Lanaudière International. Ce dernier ne cache pas sa lucidité devant le climat actuel : « La “Trumpête” est un épiphénomène éphémère et on doit en tenir compte le temps que ça dure. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les économies du monde sont demeurées à la remorque des États-Unis. Pour nos manufacturiers, ce wake-up call montre la nécessité de diversifier nos marchés. »

Lanaudière International, chef d’orchestre régional de la résilience économique, refuse le fatalisme. Il veut faciliter la communication entre les entreprises et les gouvernements et agir comme relais vers des programmes tels que Panorama d’Investissement Québec, qui soutiennent la diversification et la prospection internationale.

De la réaction à la planification

Organisé en partenariat avec Lanaudière Économique et Alliance Métal Québec, le colloque d’avril a permis d’identifier des leviers d’action.

Pour mieux se connaître, la création d’un répertoire économique assurera une meilleure visibilité des entreprises, orientera les stratégies de diversification et d’approvisionnement, et facilitera la prise de décision stratégique.

Pour diversifier les marchés d’exportation et améliorer la compétitivité, on désire réduire la dépendance des entreprises aux marchés volatils, renforcer leur compétitivité par l’innovation, et les aider à mieux planifier et exécuter leurs stratégies d’exportation. Un programme d’accompagnement sur la commercialisation et l’innovation sera mis sur pied.

Pour améliorer la présence de Lanaudière à l’international, on accélérera le développement de marchés internationaux, stimulera les investissements étrangers, sécurisera les opérations à l’exportation, et créera un programme de soutien qui accompagnera les entreprises et filiales étrangères dans leur projet d’investissement. Lanaudière International intensifiera sa collaboration avec les municipalités, la Table des préfets, les chambres de commerce et Investissement Québec pour identifier des secteurs prioritaires de diversification et pour stimuler l’implantation d’outils numériques afin de soutenir la compétitivité. L’organisme appuiera les municipalités dans le développement de leurs relations internationales.

« Il faut se rabattre sur ce qu’on peut contrôler », rappelle M. Fortin, évoquant la révision des chaînes d’approvisionnement, l’automatisation et l’exploration de marchés émergents en Europe, en Amérique latine et en Afrique.

Opération Prospérité Québec et fonds régional

Lanaudière International participe au programme Opération Prospérité Québec, en collaboration avec Commerce International Québec et les autres organismes régionaux de promotion des exportations (ORPEX). Ces mesures incluent la publication d’un guide pour les exportateurs, la création d’une plateforme Web centralisant les outils et programmes d’aide, ainsi que le déploiement de formations ciblées portant sur la gestion des risques tarifaires, la certification à l’exportation et la conformité douanière.

Comme cela se fait au Saguenay–Lac-Saint-Jean, un fonds régional est en gestation au profit des entreprises lanaudoises pour les épauler face aux tarifs imposés par Donald Trump. « Ce fonds encouragerait la diversification des marchés et la réduction de la dépendance envers les États-Unis. Il renforcerait la résilience des entreprises et offrirait une approche régionale adaptée aux réalités locales en complément des programmes d’aide existants », de dire M. Fortin.

Transformer la crise en opportunité

Pour M. Fortin, cette période doit devenir un tremplin. « Il ne faut pas laisser passer une bonne crise. Chaque problème cache des opportunités, et c’est le cas ici », insiste-t-il. Les entreprises doivent en profiter pour réfléchir à leur productivité, à leur main-d’œuvre, à leur intégration technologique et à leur innovation.

« Certaines entreprises ont vu leurs commandes être retardées ou annulées, d’autres ont vu croître les leurs au point d’en être débordées. La très grande majorité de nos manufacturiers ont les reins solides », ajoute-t-il.

Au-delà des chiffres, c’est une philosophie que l’organisme souhaite implanter : celle d’une économie régionale agile, capable de naviguer dans l’incertitude mondiale. Dans un environnement où « il est impossible de prévoir l’imprévisible », comme l’affirme Fortin, la clé réside dans la préparation, la formation et la coopération.

« Nous ne sommes pas dans la panique, mais dans l’action », conclut Jacques Fortin.

Et dans la tempête actuelle, Lanaudière International se veut le gouvernail collectif qui permettra aux entreprises d’ici de traverser la « Trumpête », puis d’en sortir plus fortes.