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19 mars 2020

Pénélope Clermont - pclermont@lexismedia.ca

COVID-19 : Travailler avec la peur au ventre

TÉMOIGNAGE

« Les terreurs nocturnes, si fréquentes chez mes deux ans adorés, c’est moi qui les ai désormais. Juste l’idée de devoir aller travailler demain m’angoisse », admet Charline Ibarra. La Mascouchoise n’a pas peur que pour elle. Elle a aussi peur pour ses proches. Peur de devenir cette courroie de transmission du virus qui pourrait affecter sa famille, dont sa mère plus âgée qui demeure avec elle.

L’histoire de Charline, c’est aussi l’histoire de milliers de travailleurs essentiels, principalement du domaine de la santé, qui quotidiennement mettent à risque leur santé et celle de leurs proches pour assurer la santé des autres. La seule distinction : Charline n’a pas choisi un métier à risque, comme les policiers ou les pompiers. Depuis plus de cinq ans, elle est éducatrice à la petite enfance. Depuis, trois ans elle œuvre dans une garderie privée et subventionnée de Mascouche. Depuis une semaine, elle s’occupe à cet endroit d’enfants de travailleurs essentiels. Bien sûr, les virus font partie de son lot quotidien, mais la COVID-19 crée une angoisse supplémentaire. Chez elle, comme chez bien d’autres personnes. Les gants qu’elle porte lorsqu’elle doit moucher un enfant sont-ils suffisants? Et qu’en est-il des jouets qu’elle désinfecte après chaque utilisation?

« Je ne souris plus »

Dans un texte qu’elle a rédigé pour le blogue Folie Urbaine, elle affirme avoir choisi ce métier, « cette passion même », parce qu’elle a à cœur les enfants. « Je me lève chaque matin en ayant le sourire aux lèvres et l’énergie positive que me donne la chance de les retrouver et de rire avec eux. De les serrer dans mes bras, de chanter avec eux, fait-elle savoir. « Depuis lundi, je ne souris plus. J’ai toujours cette immense adoration pour le métier et mon cœur est encore empli des visages de vos enfants. Mais mon cœur renferme aussi le visage de mes enfants. » Au visage de ses enfants, elle ajoute celui de son conjoint, de ses frères, de son filleul, de ses beaux-parents qui ne sont plus jeunes et de sa mère de 68 ans qui habite avec elle depuis la mort de son père. « De tous ces gens qui font battre mon cœur », résume l’éducatrice qui vit par ailleurs avec un asthme contrôlé, ce qui ne la rassure pas. [caption id="attachment_110600" align="alignnone" width="444"] La Mascouchoise affirme avoir perdu le sourire depuis une semaine.[/caption]

Quelques enfants par jour

Tout cela pour quelques enfants par jour, informe-t-elle. Au moment de l’entrevue, elle s’occupait de deux enfants avec une collègue. Travaillant deux jours par semaine, elle partage ses quarts de travail avec neuf autres collègues. Ce sont dix éducatrices exposées pour 4 ou 5 enfants tout au plus, selon ses dires. « Et chaque enfant est un nouveau risque », souffle-t-elle. « Je ne juge pas les parents des services essentiels, loin de là, assure-t-elle. Je les trouve courageux. Je les admire d’avoir choisi un métier qui aide autant la société à fonctionner. Un grand merci, d’ailleurs. Sauf que des plans B, il y en a. Des plans de toutes les lettres de l’alphabet. »

« Respectons le confinement »

Même si elle promet d’effectuer son travail avec professionnalisme, la femme de 40 ans confie ne plus être l’ombre de l’éducatrice qu’elle est habituellement. Elle aimerait rester à la maison et suivre « les consignes de sécurité et de santé », mais… « Si je veux être payée, je n’ai pas le choix d’aller travailler », expose-t-elle. « Travailler et prendre le risque d’exposer les miens à ce virus sournois et ravageur, poursuit-elle. Travailler et faire entrer chez moi la maladie, et peut-être pire, pendant qu’il y a des insouciants qui favorisent la propagation. » Elle soulève alors les publications Facebook qu’elle voit défiler : « Cherche coiffeuse qui peut me faire cette coloration », « Regardez ma dernière trouvaille au Dollarama », « Je vends un lot de vêtements 4T pour garçon ». « Respectons le confinement », supplie-t-elle. Pour elle. Pour tous.

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