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19 avril 2011

David l’emporte contre Goliath

©Le parcours de Réjean Hinse est digne de celui du combattant. (Photo : Véronick Talbot)

RÉJEAN HINSE

La bataille qu'a menée Réjean Hinse au cours des 50 dernières années a tout du parcours du combattant. Après avoir été accusé à tort de vol qualifié, avoir purgé cinq ans en pénitencier et lutté tant bien que mal pour que justice lui soit rendue, le citoyen de Saint-François-Laval peut enfin se libérer de cette prison psychologique qui le gruge depuis tant d'années.

C'est le mercredi 13 avril que le verdict est tombé. Pour les torts qui lui ont été causés, Réjean Hinse touchera des indemnités de 4,5 M$ de la part de Québec et de 8,6 M$ de la part d'Ottawa, pour un montant total de 13,1 M$. Il s'agit d'ailleurs de la plus importante indemnisation pour une victime d'erreur judiciaire au pays.

Mais pour celui qui a été faussement accusé et emprisonné, cette lutte qu'il a menée avec acharnement n'a pas de prix. «Je n'ai jamais mené ce combat pour l'argent, d'autant plus qu'on ne pourrait pas mettre de chiffres sur ce que j'ai vécu au cours des dernières années. Si je n'ai jamais baissé les bras, c'est surtout parce que je voulais prouver mon innocence, et parce que je crois en la justice et en la vérité. Il n'était pas question d'abandonner», confie l'homme de 73 ans.

Un parcours truffé d'embûches

Au lendemain de cette victoire pour laquelle il s'est acharné pendant un demi-siècle, Réjean Hinse s'est permis une brève incursion dans ses souvenirs. Dans les bureaux du journal La Revue, il a jeté un regard sur un passé qui, avec les années, est devenu bien lourd à porter. «C'est difficile d'expliquer comment je me suis senti pendant tout ce temps. C'est tout simplement indescriptible. Il y a l'humiliation, la honte, le mépris... C'est comme si j'avais tourné en rond pendant 50 ans.»

C'est en décembre 1961 que l'histoire d'horreur de M. Hinse a commencé. Le citoyen de Saint-François-Laval, alors vendeur de voitures usagées, s'était rendu à Mont-Laurier pour les affaires. Toutefois, son petit séjour a rapidement tourné au drame lorsqu'il a été faussement accusé d'un vol à main armée commis cinq jours plus tôt dans un commerce de la région.

Même s'il s'évertuait à clamer son innocence, Réjean Hinse a été condamné, pour ce crime, à 15 ans de prison. Il a d'abord purgé cinq ans à Saint-Vincent-de-Paul avant d'être placé en libération conditionnelle. «En prison, j'ai réussi à convaincre trois des cinq auteurs du vol qualifié de signer des déclarations assermentées qui attestaient que je n'avais rien à voir avec le braquage. Tout a été fait en bonne et due forme», insiste l'homme. Mais malgré ces précieuses preuves, le chemin qu'il s'apprêtait à emprunter allait être bien ardu.

Entendu et acquitté

Dès sa sortie de prison, Réjean Hinse a sauté dans l'arène. Sans relâche, il a tout fait pour que les gouvernements provincial et fédéral révisent son dossier. «Mais ils se renvoyaient la balle. C'était une vraie partie de tennis», se souvient-il. Puis, en 1998, il a convaincu la Commission de police de se pencher sur son cas. En 1990, l'enquêteur responsable du dossier a finalement reconnu que l'enquête menée par les policiers de Mont-Laurier avait été bâclée.

Fort de cette première victoire, M. Hinse s'est ensuite tourné vers la Cour d'appel du Québec, qui lui a permis de déposer de nouvelles preuves et qui a finalement décrété un arrêt des procédures en sa faveur en juin 1994. Par ailleurs, le 21 janvier 1997, les sept juges de la Cour suprême du Canada l'ont entendu et acquitté.

Un demi-siècle en retard

Considérant le calvaire qu'il a enduré et le fait qu'il n'a pas bénéficié de la présomption d'innocence, M. Hinse a cru légitime d'exiger des excuses ainsi qu'une compensation financière de la part de Québec et d'Ottawa. La poursuite a été déposée le 6 juin 1997 et le procès, qui s'est tenu en novembre dernier, a duré plusieurs semaines. Si le gouvernement provincial a accepté une entente de règlement tout juste avant les plaidoiries finales, le fédéral n'a pas voulu s'entendre à l'amiable. Le jugement déposé par la juge Hélène Poulin se fait d'ailleurs incendiaire à l'égard du procureur général du Canada. 

Même s'il circule plusieurs rumeurs voulant que le gouvernement fédéral porte la cause en appel, Réjean Hinse ne cache pas son bonheur d'avoir enfin obtenu gain de cause, un demi-siècle plus tard. «J'entends beaucoup de choses ici et là, mais en ce moment, je suis satisfait du jugement qui a été rendu et je me concentre là-dessus.»

Une question en suspens

Au cours des prochains mois, l'homme de 73 ans souhaite poursuivre ses études à l'Université du troisième âge et s'offrir quelques voyages. Au terme de ce combat digne de celui de David contre Goliath, son entourage et lui ne peuvent qu'être fiers de ce dénouement historique.

Il ne reste qu'à espérer qu'aucune autre erreur judiciaire de la sorte ne vienne entacher le système québécois et canadien dans le futur. Parce que si le jugement déposé reconnaît l'erreur dénoncée par M. Hinse pendant des décennies, il ne répond pas à la question qui demeure sur toutes les lèvres : pourquoi une telle erreur?

 

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