Guérir ses blessures en prison

Victime de violence à son domicile familial, le jeune Loïc (nom fictif), alors âgé de 12 ans, fait appel à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Plutôt que de lui prêter main forte, on force ce petit être brisé à faire son temps, soit 17 mois dans une prison que l’on nomme «centre jeunesse» dans le jargon administratif de la DPJ. Voilà le parcours d’une grand-maman et de son petit-fils qui ont témoigné dans le documentaire de Paul Arcand, «Les voleurs d’enfance».

Karine Cousineau

À bout de ses souffrances, le jeune Loïc a contacté lui-même la DPJ un soir d’automne 2003. «Son dossier était déjà ouvert puisqu’il y avait eu plusieurs signalements», raconte sa grand-mère, résidente de la région des Moulins. Le soir même, un intervenant de la DPJ est venu le quérir à l’école pour le mettre en sécurité. «Loïc était soulagé, il était certain que son calvaire était enfin terminé, mais il ne faisait que commencer», ajoute la grand-mère. Le père de l’enfant n’a même pas été averti de la situation.

L’enfant est alors envoyé dans un centre de réadaptation à encadrement sévère. «Il n’avait pas besoin d’encadrement, mais de soutien, d’aide et d’amour», ajoute-t-elle. Dans ce centre, Loïc est entouré de jeunes délinquants, des jeunes qui ont commis des délits, et n’a aucun soutien psychologique pour l’aider à surmonter les sévices qu’il a subis. «Il a fallu que nous retournions devant les juges pour que mon petit-fils ait droit à un suivi psychologique et à une évaluation comportementale.»

«Ces centres sont de vraies prisons. Les portes des chambres sont verrouillées, les meubles sont vissés au plancher. Pour aller aux toilettes, les jeunes doivent glisser un carton sous leur porte. Les enfants n’ont pas le droit de porter de ceinture ni de lacets parce qu’ils pourraient se blesser ou tenter de se suicider», raconte la grand-mère.

Samuel a également goûté à la médecine des chambres d’isolement. «Dès que l’enfant refuse de faire ce qu’on lui demande, il est placé en isolement. Une fois, mon petit-fils a refusé de parler à son père parce qu’il savait qu’il allait se fâcher; on l’a mis en isolement pour cela», explique-t-elle.

Loïc est resté en centre durant une période de 17 mois. «Si on est chanceux, le dossier pourrait se fermer au printemps 2006 et on va porter plainte pour atteinte aux droits de la personne.»

De tout son cœur, la grand-maman désirait obtenir la garde de son petit-fils. «On m’a dit d’aller faire des biscuits, qu’une grand-maman, c’est fait pour gâter ses petits-enfants, pas pour les éduquer. Et les grands-parents se font répondre cela fréquemment. Très peu de grands-parents, oncles ou tantes obtiennent la garde d’un membre de leur famille confié à la DPJ, qui invoque un conflit de loyauté pour expliquer cette situation.»

Si Loïc n’est plus en centre aujourd’hui, c’est en partie parce que ses grands-parents se sont battus bec et ongles pour obtenir justice. «Nous, nous sommes battus pour obtenir une évaluation psychologique d’un expert externe à la DPJ qui a prouvé hors de tout doute que la situation que l’enfant vivait pouvait être nuisible pour lui. S’il n’y a personne qui s’occupe du dossier de l’enfant, il devra rester dans cette prison», affirme la grand-maman.

Le petit s’est senti trahi : il avait demandé de l’aide et s’est retrouvé en prison. «Je lui ai promis qu’il n’aura pas vécu tout cela pour rien», explique la grand-maman, membre fondatrice de l’Association pour le respect des droits des grands-parents qui réclame une enquête publique et une évaluation en profondeur de tout le fonctionnement du système de la protection de la jeunesse. On peut contacter l’Association au (450) 477-9217. Une pétition est d’ailleurs en circulation.