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30 avril 2019

Jean-Marc Gilbert - jmgilbert@lexismedia.ca

Sylvain Fortin se dit abandonné par la CAQ

Le projet de Sylvain Fortin de construire à Terrebonne un CHSLD destiné aux adultes vivant avec la trisomie plaisait à la Coalition Avenir Québec (CAQ) en campagne électorale. Toutefois, le discours a changé depuis l’élection, juge M. Fortin. Se disant «trahi» par les ministres Marguerite Blais et Pierre Fitzgibbon, il fera la grève de la faim devant l’Assemblée nationale.

«Que va-t-il arriver à mon enfant lorsque je ne serai plus là?» C’est la question que se posent plusieurs parents d’enfants trisomiques. Le fondateur de la Société québécoise de la trisomie-21, Sylvain Fortin, lui-même père d’un jeune homme trisomique, se bat depuis des années pour pouvoir construire la Maison Anne et Charles de Gaulle, un CHSLD privé conventionné de 70 lits et un centre de jour pour les personnes ayant une trisomie 21. La Maison serait située à Terrebonne.

Confiant n’avoir jamais trouvé une oreille attentive chez les libéraux à l’époque, M. Fortin a senti tout le contraire de la part de la CAQ en campagne électorale. En août, il a rencontré Marguerite Blais, qui allait devenir ministre responsable des aînés, et lui a parlé de son projet. «Mme Blais a insisté pour prendre des photos pour garnir son compte Twitter», se souvient M. Fortin, président de la Maison Anne et Charles de Gaulle. Photos qui ont d’ailleurs disparu du compte de Mme Blais depuis.

Quelques jours après cette rencontre, dans un échange privé sur Twitter que La Revue a pu consulter, celle qui était alors candidate écrivait : «Je suis touchée par votre histoire (...) Nous allons défendre votre projet si nous sommes élus.» Pierre Fitzgibbon, candidat de la CAQ dans Terrebonne, était aussi «très sympathique» à la cause, rapporte M. Fortin.

Changement de ton

Dans les jours suivant le scrutin, le message serait resté le même de la part des nouveaux élus caquistes. Le discours aurait changé après les Fêtes, dit M. Fortin. Il soutient d’abord avoir reçu un appel téléphonique du cabinet de Mme Blais, en janvier, lors duquel on lui aurait demandé pourquoi il voulait créer «un ghetto». En février, M. Fortin recevait une lettre l’enjoignant à contacter le CISSS de sa région pour soumettre le projet. Ce qu’il a fait. Entre-temps, il a discuté avec M. Fitzgibbon, qui lui a laissé entendre qu’un autre projet aurait été préféré au sien.

Mais le coup de grâce est survenu le 3 avril, lorsqu’il a reçu la réponse négative du CISSS de Lanaudière, qui a jugé que le projet «ne s’inscrit pas en cohérence avec les besoins prioritaires» et que «le portrait actuel des besoins des personnes ayant une trisomie 21 [dans] Lanaudière ne démontre pas un besoin de développement de places supplémentaires».

M. Fortin, qui a l’impression que cette lettre a été «télécommandée par la ministre Blais», se sent trahi. «C’est blessant et violent d’avoir vu Mme Blais faire du millage avec mon image en période électorale. Elle m’a utilisé.»

Grève de la faim

Dans une ultime tentative pour se faire entendre, Sylvain Fortin entame une grève de la faim le 1er mai dès 14 h, devant l’Assemblée nationale à Québec.

«J’espère que les 125 députés vont comprendre que si je me fais souffrir ainsi, on devrait peut-être regarder de plus près ce qui se passe dans ce dossier.» Il souhaite une reprise du dialogue pour que son projet puisse se concrétiser.

Réactions

Au CISSS, on confirme que le projet n’a pas été recommandé au ministère de la Santé et des Services sociaux pour les raisons citées dans la lettre du 3 avril.

Le député de Terrebonne, Pierre Fitzgibbon, rapporte avoir discuté à plusieurs reprises avec M. Fortin au sujet de son projet. «On ne peut pas être insensible aux enjeux des personnes vivant avec une trisomie 21. Nous lui avons dit que nous étions favorables à l’encourager», reconnaît-il. Toutefois, le député affirme qu’au fil des mois, M. Fortin se montrait de plus en plus insistant. «Il m’a même manqué de respect en me disait que j’avais fait de fausses promesses.»

Malgré tout, M. Fitzgibbon confirme lui tendre la main. «Je suis ouvert à reprendre la discussion. J’ai été élu pour défendre le bien des Québécois.»

Au cabinet de la ministre Marguerite Blais, on marche sur les œufs dans ce dossier. La directrice Pascale Fréchette a voulu faire preuve de prudence en évoquant des mises en demeure reçues par ses collègues de la part de M. Fortin à la suite de propos tenus dans les médias dans les derniers mois.

Mme Fréchette spécifie d’abord que le projet de la Maison Anne et Charles de Gaulle «ne cadre pas dans la philosophie du ministère, qui ne souhaite pas déraciner les gens de leur région». Elle en profite pour souligner que les maisons des aînés du gouvernement Legault viendront répondre à des besoins, puisque «des pavillons seront réservés» à différentes clientèles, dont des gens vivant avec la trisomie 21. Par ailleurs, Mme Fréchette précise que le projet de Sylvain Fortin est loin de faire l’unanimité au sein des autres organismes œuvrant auprès de personnes trisomiques. «Il est le seul à défendre son projet. Tous les autres organismes sont contre», mentionne-t-elle, ajoutant que le ministère reste toutefois ouvert au dialogue.

Au Québec, un peu plus de 10 000 personnes vivent avec une trisomie 21.

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